Securidaca longipedunculata : une plante intéressante pour prévenir les « orages cytokiniques » du Covid-19 ?

par Dr Anne-Marie Claustres-Tubery, Jaqueline Ragot, Geneviève Bourdy
le 12 mai 2020

Securidaca longipedunculata Fresen. (Polygalaceae)

Securidaca longipedunculata est une espèce africaine. Il s’agit d’un arbuste ou d’un petit arbre (2-4 m) que l’on trouve dans les zones de savanes humides. Son aire de distribution s’étend du Sénégal jusqu’en Afrique du Sud. C’est une espèce médicinale, qui est aussi appréciée comme ornementale car elle possède une abondante floraison rose-violette.

Autrefois commune, elle commence à se raréfier étant donné son importante utilisation comme plante médicinale : elle ferait en effet partie des 5 espèces les plus vendues dans toute l’Afrique tropicale, à tel point que dans certains pays, les herboristes plaident pour une protection urgente de cette espèce. La racine est la partie médicinale la plus employée, avec dans une moindre mesure les feuilles et les écorces.

Une plante utilisée traditionnellement

En Afrique, elle est considérée comme une panacée, c’est « l’arbre aux 1000 usages ».

Parmi les usages les plus fréquemment cités dans la littérature et qui concernent la racine, on trouve les formes graves de paludisme, les dermatoses de type eczéma ou psoriasis, l’effet alexitère (antidote des morsures de serpent venimeux) d’où son nom d’arbre aux serpents dans certaines parties de l’Afrique. Elle serait aussi analgésique, anxiolytique, anticonvulsivante, antiépileptique et hypoglycémiante. Très réputée comme aphrodisiaque, elle est utilisée pour traiter certaines stérilités et des maladies vénériennes. Enfin, elle se donne en cas de problèmes pulmonaires : tuberculose, pneumonie, toux persistantes.

De nombreux travaux ont été entrepris afin de valider ces indications traditionnelles (1).

Le docteur Pierre Tubéry, un médecin ethnopharmacologue

En Europe, ce sont les recherches du Dr Pierre Tubery (1929-2017), qui ont fait connaître cette plante aux médecins phytothérapeutes. De fait, en 1959, ce médecin part travailler dans le nord du Cameroun et y rencontre des guérisseurs qui l’introduisent à la médecine traditionnelle et à la pharmacopée africaine. De nombreuses plantes lui sont montrées dont Securidaca longipedunculata, utilisée contre le psoriasis. Par la suite, le Dr Tubery et Mme Jaqueline Ragot (Dr en Pharmacie) consacreront leur vie à la valorisation de ces plantes africaines.

L’expérience clinique du Dr Tubery permettra de définir le cadre général d’utilisation de SL, qui correspond aux déviations de l’immunité avec une composante auto-immune, une hypersensibilité retardée et une hyperproduction d’IGE.

Parmi les principaux domaines d’indications, on trouve les maladies auto-immunes et les fibroses.

Infection au Covid-19 et réponse immunitaire

Comme dans toutes les infections virales, dans le cas d’une infection à Covid-19 se met en place un processus de défense immunitaire que l’on peut qualifie de « normal ». Dans la plupart des cas, il suffit à maîtriser la maladie.

La réponse immunitaire face au Covid-19, fait donc appel aux différents éléments du processus immunitaire qui – très schématiquement – s’appuient sur 2 acteurs principaux, les cellules immunocompétentes et les cytokines.

Les cellules immunocompétentes sont les lymphocytes B, les lymphocytes T, les “Natural killers”.

Les cytokines sont représentées dans la lutte antivirale par l’interféron (IFN) et les interleukines (IL). Il existe plusieurs types d’interférons, sécrétés par différents types de cellules. L’interféron gamma est essentiellement sécrété par les lymphocytes T, en présence d’un virus, et son rôle est primordial dans la lutte antivirale.

Les interleukines constituent un véritable réseau interactif qui régule et stimule les cellules immunocompétentes. On en connaît une vingtaine parmi lesquelles l’interleukine 6 qui joue un rôle prépondérant dans la crise du Covid-19.

Dans la majorité des cas, les interactions régulées entre les cellules immuno-compétentes et cytokines aboutissent à une réponse antivirale complète, impliquant l’élimination du virus et la production d’anticorps antiviraux.

Mais la maladie devient grave lorsqu’elle évolue, autour du 8ème jour, vers un envahissement pulmonaire avec détresse respiratoire. Cette phase est corrélée avec une réaction immunologique précise présentée comme un « orage de cytokines ». Elle est d’autant plus redoutable, que, pour l’instant, elle n’est pas prévisible.

Caractéristiques immunologiques de l’infection au Covid-19

Parmi les données établies depuis le début de la maladie, trois paramètres sont constants :

1) La lymphopénie

Elle intervient dès le début de la maladie. Lorsque l’infection s’améliore, le taux de lymphocytes remonte.

2) La sécrétion d’interféron : IFN

Le taux d’IFN gamma est également corrélé à la gravité de la maladie ; un taux faible fait craindre le passage à la forme grave. C’est la raison pour laquelle il est capital, dès le début de la maladie, d’éliminer toute substance pouvant freiner la production d’interféron. Les anti-inflammatoires sont donc formellement proscrits.

La même prudence s’impose pour le Doliprane (paracétamol). Des études ont en effet permis de constater que la prise de Doliprane avant vaccination, diminuait le taux des anticorps post vaccinaux. À ce stade, la fièvre est à respecter, elle fait partie des antiviraux naturels.

3) L’orage de cytokines

Dans 5 % des cas, la régulation de cytokines n’a pas lieu. On assiste à un « emballement lymphocytaire », à un « orage de cytokines », caractéristique du passage à la forme grave, mortelle parfois. L’agression concerne tous les organes, principalement le poumon, exigeant la mise en place d’une respiration assistée.

Securidaca longipedunculata (SL) et emballement lymphocytaire

Le support biologique de l’action thérapeutique de SL a été établi dès 1974, par le test de transformation blastique des lymphocytes.

Cette formulation complexe signifie que SL calme la réaction des lymphocytes, face à une substance étrangère à l’organisme, qu’elle soit d’origine microbienne, parasitaire ou virale. Cette activation, lorsqu’elle s’exerce vis-à-vis des cellules de l’organisme, est un des mécanismes des maladies auto-immunes.

C’est grâce à ce mécanisme que sont obtenus des résultats cliniques de SL sur des maladies auto-immunes. Ce mécanisme biologique qui a fait ses preuves dans ce type de maladies peut-il s’intégrer dans la prévention et le traitement de la crise du Covid-19 ?

Il a été établi que cette étape correspondait à une hypersécrétion d’interleukine 6, une cytokine pro inflammatoire, sécrétée par de nombreux types cellulaires, en particulier les lymphocytes T et B. L’administration d’un traitement anti–interleukine 6 – le Tocilizumab – a donné des résultats positifs chez les patients en phase aiguë du Covid-19.

L’hypothèse est alors que la sédation lymphocytaire qui est la caractéristique de SL pourrait contribuer à calmer l’emballement lymphocytaire et de ce fait intervenir sur la crise qui caractérise la forme grave du Covid-19.

Il serait alors logique de l’utiliser, mais seulement à partir du 7e jour. En effet, la première phase de la maladie nécessite surtout une production élevée d’interféron, comme l’a montré la corrélation entre forme clinique modérée et taux élevé d’interféron.

 

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(1) N.I. Mongalo, L.J. McGaw, J.F. Finnie, J. Van Staden (2015) Securidaca longipedunculata Fresen (Polygalaceae): A review of its ethnomedicinal uses, phytochemistry, pharmacological properties and toxicology, Journal of Ethnopharmacology, 165, 215–226.