Port du masque et charge virale

Synthèse de l’article original paru sur Theconversation.com
par Bernard Weniger, le 31 août 2020

 

Dans un entretien publié sur le site de Theconversation.com, la Dr. Monica Gandhi, de la Division of HIV, Infectious Diseases and Global Medicine, de l’Université de Californie, San Francisco, a souligné l’intérêt du port du masque, non seulement pour ralentir la propagation du virus de la covid-19, mais également pour restreindre la gravité de la maladie :

Quantité de virus et gravité de la maladie

« La gravité de la maladie que vous allez développer suite à une infection virale a beaucoup à voir avec la quantité de virus (l’« inoculum viral », ou dose virale) à laquelle vous aurez été exposés initialement. Si la dose lors de l’exposition est très élevée, la réponse immunitaire peut être dépassée. Quand le virus s’empare d’un grand nombre de cellules, le système immunitaire déploie des efforts considérables pour contenir l’infection. L’organisme subit alors de nombreux dommages, ce qui aggrave les symptômes observés chez les personnes infectées. En revanche, si la dose initiale du virus est faible, le système immunitaire est capable de contenir le virus en employant des mesures moins drastiques. Dans ce cas, la personne présente moins de symptômes, voire aucun.

Ce concept de lien entre dose virale et gravité de la maladie existe depuis près d’un siècle. En 2015, des chercheurs ont testé ce concept chez des volontaires humains en utilisant un virus de la grippe non mortel. Ils ont observé que plus la dose de virus de la grippe administrée aux volontaires était élevée, plus la maladie était importante. En juillet dernier, des chercheurs ont publié un article montrant que la dose virale était liée à la gravité de la maladie chez les hamsters exposés au coronavirus SARS-CoV-2. Les hamsters ayant reçu une dose virale plus élevée ont été plus affectés que les hamsters ayant reçu une dose plus faible.

Réduction de la dose virale grâce au masque

Sur la base de ces recherches, il semble donc hautement probable que, si vous êtes exposés au SARS-CoV-2, plus la dose sera faible, moins le risque que les symptômes de la maladie soient graves sera élevé. Alors, comment peut-on réduire la dose d’exposition ? La plupart des chercheurs et épidémiologistes spécialisés dans les maladies infectieuses pensent que le coronavirus se propage principalement par gouttelettes et, dans une moindre mesure, par aérosols. Des expériences menées en laboratoire ont en effet démontré que les bons masques en tissu et les masques chirurgicaux sont capables de bloquer au moins 80 % des particules virales qui pénétreraient autrement dans le nez et la bouche. Certes, aucun masque n’est parfait. Cependant l’objectif n’est pas de bloquer 100 % du virus, mais de réduire la quantité de particules que vous pourriez inhaler. Or presque tous les masques y parviennent.

Des expérimentations pour le démontrer

La dernière preuve démontrant que les masques réduisent la dose virale a été obtenue grâce à des expérimentations complémentaires sur les hamsters. En plaçant des masques chirurgicaux sur les tuyaux qui amenaient l’air dans leurs cages, les chercheurs ont créé un groupe de rongeurs « masqués ». Un autre groupe de hamsters, dont les tuyaux d’arrivée d’air étaient dépourvus de masque, tenait lieu de témoin « non masqué ». Des hamsters infectés par le coronavirus ont été placés dans des cages à côté des hamsters masqués et non masqués, et de l’air a été pompé depuis les cages des « infectés » vers les cages des hamsters non infectés, masqués et non masqués. Comme prévu, les hamsters « masqués » se sont avérés moins susceptibles d’être infectés par le Covid-19. Qui plus est, ceux des hamsters masqués qui ont été infectés, on développé une forme plus bénigne de la maladie que leurs homologues non masqués.

En juillet dernier, le Center for Disease Control and Prevention américain estimait qu’environ 40 % des personnes infectées par le SARS-CoV-2 sont asymptomatiques. Un chiffre confirmé par un certain nombre d’autres études, qui montrent également que dans les endroits où tout le monde porte un masque, le taux d’infections asymptomatiques semble être beaucoup plus élevé. Fin mars, une épidémie de Covid-19 s’est déclarée sur un bateau de croisière australien, le Greg Mortimer. Après l’identification du premier cas de Covid-19, les passagers ont tous reçu des masques chirurgicaux et le personnel a reçu des masques N95 (masques filtrant au moins 95 % des particules de diamètre inférieur à 2,5 µm. L’équivalent européen est le FFP2, dont le taux de filtration est de 94 %). L’utilisation des masques a été très bien respectée. Résultat : même si 128 des 217 passagers et membres du personnel ont au final été testés positifs pour le coronavirus, 81 % des personnes infectées sont restées asymptomatiques.

Deux foyers épidémiques plus récents ont eux aussi apporté d’autres preuves. Le premier s’est déclaré dans une usine de transformation de fruits de mer en Oregon et le second dans une usine de transformation de poulet en Arkansas. Dans ces deux endroits, les travailleurs ont reçu des masques et ont été tenus de les porter en permanence. Près de 95 % des personnes infectées travaillant dans ces deux usines se sont avérées asymptomatiques.

Il ne fait donc aucun doute que le port du masque généralisé ralentit la propagation du coronavirus. Pour mes collègues et moi-même, un faisceau convergent d’indices indique qu’en plus, le port du masque peut contribuer à protéger leur porteur de développer une forme grave de la maladie. »